« Voix et Mort ; en Voix d’Extinction »
Seminaire CRIVA 7 mai 2024, avec Gilles Anquez, Franck Baziluck & Olivier Courtemanche
ARGUMENT :
Gilles Anquez : La voix au poste-frontière.
Les services de soins palliatifs sont des lieux de vie, des postes-frontières de la vie, aux portes de la mort, dans un lieu où les corps pulsionnels sont pris dans les tempêtes du Réel. Souvent alors la voix des sujets alités s'altère, laissant entendre dans le sonore des traces de ce Réel qui surgit et rugit.
Les voix sont souvent graves et rauques, fragiles et silencieuses, entrecoupées de silence, elles sont des souffles et prenant le chemin de l'extinction.
Qu'en est-il de l'appel à l'autre, à l'Autre ? De sa réponse ?
S'agirait-il alors, dans un cadre musicothérapeutique, d'être présent et de relancer dans ces derniers moments la pulsion et le désir, au service de la pulsion de vie ?
Franck Baziluck : « Tu ne tueras point! »
Pour Emmanuel Lévinas, du visage de cet autre qui nous regarde surgit le réel de notre infinie vulnérabilité. De son silence invocant, l’Autre nous commande de prendre soin de lui et, en ce sens, de ne point porter atteinte à son être. Le visage comme commandement premier : « Tu ne tueras point ».
Mais pourtant, lorsque le petit d’homme victime de maltraitances hurle aux soins, il ne reçoit parfois en réponse, que silence, déni, doute ou discrédit de sa propre voix, voire pire encore. Que devons-nous entendre de ces mouvements pulsionnels qui contraignent ces voix au silence, les poussent à l’extinction et vers l’échéance même de leurs vies alors qu’elles les commencent qu’à peine… ?
Olivier Courtemanche : Voix corallienne
Si la couleur peut donner une idée de l’aspect du vivant de la voix, une dépigmentation et un blanchiment apparaît comme le signal de l’érosion d’une voix qui s’éteint et d’une mort annoncée.
Arborescence du langage, branches et branchement de l’édifice foisonnant de la langue, le récit formerait-il un récif ? Matrice, sanctuaire et nurserie, pourrions-nous imaginer la voix comme un récif corallien ?
Fragile, un danger guetterait la voix corallienne quand elle est prise dans les rets et les courants directionnels et idéologiques d’une propagande et d’un pouvoir totalitaire.
Alors comme pour le corail, la langue souffrirait-elle d’une pollution délétère envahissant les profondeurs de l’archaïque océanique. La voix, source même du désir et de la pulsion de vie, signifiant même du vivant, une décoloration serait-elle le symptôme d’une voix en voix d’extinction ?